Dans l’actualité du jour : c’était mon anniversaire hier. Tout le monde s’en fout, me direz-vous. Ben voui, j’ai vu ça.
Être née en août, c’est un drame. Tous les potes sont en vacances. Les meilleurs amis (ou ceux que l’on a le plus saoulés avec ça), appellent, envoient un sms ou un mail. Les parents sont en vacances. Et du coup, soyons honnêtes, ils s’en foutent. Trop occupés à écarter les orteils pour bronzer partout.
Pour mes 19 ans, ils m’avaient encore jamais fait le coup de m’oublier, j’étais pas préparée à l’époque. J’ai passé la journée du 7 à tendre les yeux et les oreilles pour deviner ce qu’ils avaient prévu.
Le soir, j’au tenté une allusion discrète (je suis toujours d’une discrétion et d’une finesse impressionnantes) à mon anniversaire. J’ai vu une lueur de panique traverser leur regard. Mon père est sorti de la pièce en trombes et j’ai entendu la voiture démarrer. Au dîner, sous ma chaise, il y avait le range CD offert en prime à la station essence.
Une de mes cousines s’est mariée le jour de mes 22 ans. Forcément, le 7 août, en plein été. Quelque chose me dit que ça va être comme ça tous les ans maintenant.
Ah, ça oui, ça a été une jolie fête. J’étais limite un peu gênée, moi, avec mon portable qui n’a pas arrêté de bipper et moi qui répondais tout bas « C’est gentil de penser à moi… Oui, moi aussi, je t’embrasse. »
La mariée me regardait de travers. C’est vrai que je poussais loin dans la goujaterie. Vers 22 heures mon père m’a fait remarquer (je pense que le message subliminal, c’était qu’il fallait que je coupe mon portable) que j’avais beaucoup de succès aujourd’hui. Et là, limite honteuse : « Euh, oui, Papa, c’est normal, c’est mon anniversaire… »
Il est devenu tout blanc, et il m’a fait un gros bisou.
Mais la palme, c’est quand même cette année. Le WE de mon anniversaire, on fêtait les cinquante ans de mariage de mes grands-parents. Samedi matin, debout à 7 heures, trois heures de train et six heures de repas. Six heures de repas.
Ça fait deux jours que c’est passé et je n’en reviens toujours pas. Je n’avais presque pas dormi depuis une semaine, et d’un coup, j’ai compris pourquoi la privation de sommeil était la pire des tortures. Je viens d’une famille catho. Vraiment catho je veux dire, et le repas, coincée entre les cousines, c’est pas exactement ce que j’appellerais un moment culte de mon existence. Les vieux oncles et tantes qui viennent entre le fromage et le dessert te lécher les joues pour te dire qu’ils sont tellement contents de te voir, que tu ne donnes pas suffisamment de nouvelles (tu m’étonnes), et que tu as tellement grandi (oui, en six ans, d’autres l’ont fait, j’ai aucun mérite), je suis désolée, je déteste. Une demi-heure, c’est déjà trop long, mais six heures, c’est insoutenable.
Bref. Enfin, on arrive au gâteau. Les deux grands-parents, les dix enfants et les vingt-sept petits-enfants, on se retrouve comme des cons autour de la pièce montée, et chacun se met à mugir : « JO-YEUX-AN-NI-VER-SAI-RE-pause-JOYEU-EUX-AN-NI-VER-SAIRE », et ainsi de suite.
J’en profite pour me tourner vers mon père, en lui disant que je suis vraiment touchée qu’ils aient pensé à moi, que c’est une attention qui, vraiment, me fait plaisir. Il devient blanc (ça devient limite lassant), et il m’embrasse en me souhaitant un bon anniversaire. « Non, ça va Papa, c’est demain seulement, pour moi », je lui ai répondu. Il est devenu tout rouge.
On est tous bien d’accord, pour qu’il ne m’oublie pas dimanche, la perche était grosse, l’hameçon bien tendu. Eh ben, si. Ils ont réussi. Vers 12 h, en sachant que mon train partait à 14h, quelqu’un me demande quel est l’écart d’âge entre l’aîné et le dernier des cousins. L’aînée, c’est moi, et le dernier, il a six mois. Et moi de répondre : « Ben, 22 ans, puisque j’en ai 23 aujourd’hui. »
La personne en face de moi a laissé échapper un joyeux anniversaire gêné, et est sortie de la pièce.
Vous ne devinerez jamais ce qu’ils ont fait. Ils ont voulu rattraper leur oubli, me faire un cadeau, me montrer qu’ils pensaient à moi, bla, bla, bla,bla. Ils ont pris le premier truc qu’ils ont trouvé, et ils ont tous signé dessus. Oui, oui, c’est mignon. Sauf que le truc en question, c’est une peau de bête, du cuir.
Ça pue, mes amis, mais ça pue !! Et puis c’est kitsch ! Dans le train du retour, ma peau soigneusement emballée dans mon sac, il m’a fallu affronter les regards suspicieux de tout le TGV, chacun se demandant combien de temps il fallait tenir sans douche pour réussir à schlinguer à ce point-là. Et puis chez moi, ça fait neuf mètres carrés. Vous avez déjà essayé de dormir dans neuf mètres carrés, avec une peau de bête morte qui essaie de vous assassiner par asphyxie ?
Ce que j’aime, c’est mon père qui se moque de moi en me disant que je me sens toujours mal aimée. Il a pas entièrement tort.
Bon, c’est pas tout ça, mais il ya quand même des gens qui m’aiment. À partir de minuit, j’ai eu plein de mots gentils sur mon portable. J’ai reçu un DVD de A…, un joli collier de la part de ma petite sœur, un mail avec des fleurs partout de Garulfo, des pâtes et de la sauce tomate de la part d’un collègue qui se marre parce que je dis toujours que j’ai rien à bouffer, une tasse et une petite cuiller de la part d’un autre qui en a marre que je taxe les siennes, une invitation au restau de la part de P., et une peau de bête morte.
Ah non pardon, je suis de mauvaise foi. Mes parents m’ont dit le mois dernier qu’ils me payaient la moitié du billet d’avion pour la Bulgarie. Ça, ça va me rendre service.
Sans transition aucune, j’ai une grande question : comment font les gens qui vivent ensemble pour continuer à mener une vie professionnelle et une vie sociale ? Ça fait un mois que je suis avec P. On passe en moyenne une nuit sur deux ensemble. Or, une nuit ensemble, c’est une nuit blanche, ou presque. Même quand on en peut plus de sommeil, on continue à discuter, à faire des câlins, etc. C’est pas possible de dormir quand il est là, c’est à la limite du concevable. Résultat, j’arrive à dormir debout dans le métro, pas moyen d’enchaîner deux phrases sans dire une connerie, mais une vraie, une belle, une blonde, je suis au bord de la dépression nerveuse les soirs ou je suis seule si je ne me suis pas endormie à 21 heures (et comme il me manque, je ne dors pas à 21 heures), et je n’en fous pas une rame au boulot.
À la place, je m’occupe de mon blog. Effet papillon. D’ailleurs, je me demande bien comment je vais faire pour l’entretenir, mon blog, en septembre, quand le patron sera rentré et que j’aurai plus le choix, faudra bosser.
Dire des conneries, c’est pas que ça me gêne, mais en dire à P., les dire non pas parce que je suis débile, mais parce que je suis claquée, ça, ça me saoule. On a pas idée de demander à 2 heures du mat à un mec avec lequel on couche depuis un mois : « Tu m’aimes ? »
Il m’a répondu, avec un sourire et un bisou : « Je commence… »
C’est bon, l’honneur est sauf.
Ce matin, j’ai reçu un coup de fil d’A. On était censés se voir cette semaine, et j’étais pas franchement motivée. C’est pas que je n’ai pas envie de le revoir, mais il faut que je lui annonce que je me suis recasée, et vu la forme qu’il tient, j’ai le pressentiment que ça va pas être un moment agréable. Il m’appelait pour me dire qu’il ne se sentait pas bien, que tout ça, c’était encore trop frais, et qu’il préférait attendre avant de me revoir. J’ai comprimé un soupir de soulagement.
Shame on me.