De l’éjaculation de l’amour propre

Ah les enfants, hier, pas une seconde pour écrire une note. Et aujourd’hui, je sens que je vais l’écrire en pointillé, un coup par ci, un coup par là, mais que ça va être une note de compétition. Une médaille pour ceux qui la liront jusqu’au bout.

Déjà, grande nouvelle (pour moi), les affaires reprennent. Le boss est rentré, ça fait un rythme de folie et des challenges impossibles, et ça fait du bien. C’était déprimant, ce mois d’août à ne rien faire. Hier donc, mon boss préféré me met le grappin dessus au moment précis où je passe la porte du bureau. Comme d’habitude, il me demande un truc énorme pour la veille, je le lui promets pour la semaine suivante, et je me débrouille pour le lui rendre le soir. Début du marathon.

En milieu de journée, il se pointe dans mon bureau comme ça lui arrive de temps en temps (ça veut dire que ce jour-là je fais partie des chouchous, c’est cool), se vautre dans un fauteuil (Vous connaissez Baloo ? Vous lui mettez un costard, c’est mon boss), et commence un long monologue que je fais semblant d’écouter, tout en essayant d’avancer quand même dans mon travail. Et puis en sortant, sans prévenir, d’un coup, comme ça, il me demande : « Tu restes avec nous jusque quand déjà ? »

Arrêt cardiaque. Depuis quelques jours, j’avais commencé à me faire un sang d’encre à ce sujet. Plus que deux mois et demi avant la fin de mon contrat. Et comme LBA, elle a l’esprit de survie quand même, je me demandais fichtrement comment j’allais faire pour payer mes pâtes passée cette période bénie. Pour mon malheur (hein, Charlylie ?), je déteste réclamer quelque chose. Je veux dire, demander une augmentation, un boulot, une faveur. Dans mon éducation, réclamer, c’était le meilleur moyen de se voir refuser ce que l’on convoitait.

Mais quand faut y aller. J’avais pris mon courage à deux mains, je m’étais fait un brainstorming toute seule, et c’était décidé, j’allais lui parler. Bientôt. Que je sache au moins si j’avais, peut-être, un jour, une chance de rester, ou au moins s’il appréciait mon boulot.

Donc.

  • Tu restes avec nous jusque quand, déjà ?

Les genoux de LBA se liquéfient. Prendre l’air sérieux, concentré, aimable, mais pas trop concernée :

  • Ben, mon contrat court jusqu’à la mi-novembre.
  • Ah, c’est bientôt !

Non, sérieux ?

  • Va falloir qu’on en parle, dis-moi. Tu passes dans mon bureau, d’accord ?

Je hoche la tête, re-souris, me replonge dans mon travail ou fais comme si. 18 h 00 tapantes, flippée comme une patate qui regarde la casserole, je lui pose ce que j’ai fait sur son bureau. Le suspense est insoutenable. La sueur coule à grosses gouttes. Il soupèse mon truc (je parle de mon travail, bande de sales pervers), le retourne, le jauge, le juge, et me fait un sourire, jusqu’aux deux oreilles.

Et là, c’est la fête de l’ego. L’éjaculation de l’amour-propre. C’est les « Ah, ça fait plaisir de travailler avec toi », et les « Vraiment, tu es intelligente et tu as une force de travail impressionnante » (je jure, je jure, il a dit ça). Il doit avoir raison. Je suis un génie incompris. Et vu la masse de travail que j’ai abattue ce mois-ci, je suis surtout une grande manipulatrice malgré moi. Ou il a un problème de vue.

J’ai surtout une force de contrôle impressionnante. J’ai gardé mon calme. Si. Même quand il m’a dit : « Si le produit marche et que tu veux rester, je veux vraiment bosser avec toi. Si le produit marche pas ou que tu veux bosser ailleurs, je te garde jusqu’à ce que tu aies trouvé autre chose », je me suis pas agenouillée, j’ai pas chanté un cantique, je me suis pas évanouie, j’ai pas couché avec lui pour le remercier.

J’ai gardé mon calme. J’ai dit un truc fin et raffiné du genre, « Ouais, cool, je vais y réfléchir. Y a autre chose que tu voulais voir pour demain ? », et je suis sortie de la pièce sans me prendre la porte.

Quand je suis arrivée dans mon bureau, mon portable s’égosillait. C’était P., qui en était à son quatrième appel en absence. J’avale un sourire vainqueur (genre, tu fais ton malin, mais c’est toi qui me téléphone), et dans l’euphorie, je décroche.

Lui : Panique pas, mais, ça te dit de dîner avec mes parents ce soir ?

Ce soir s’il fallait, je dînerais avec le pape et ma grand-mère. Et le pape, il parle même pas français et ma grand-mère, elle parle même pas humain.

Je panique pas. Je suis d’une bonne humeur à soulever les montagnes, et je les rejoins.

P. s’est demandé tout le repas si j’avais bien compris avec qui j’étais en train de dîner. Il a passé trois heures à guetter les signes de stress, les signes avant-coureurs d’évanouissement, le moment où ma réflexion aiguisée me mènerait nez à nez avec l’équation fatale : Oh mon dieu = parents + couple + présentation = engagement. Mais non. Rien.

Je me suis aperçue que c’était des présentations, on était déjà sortis du restau, et c’était un peu tard pour revenir en arrière. Même pas peur. J’étais tellement sur ma planète magique quand il m’a téléphoné qu’il m’aurait dit « On se marie, là, maintenant, tout de suite », j’aurais dis oui.

Voilà. Je voudrais remercier mon papa, ma maman, mon producteur et tous mes amis, qui m’ont beaucoup soutenue.

Je voudrais remercier Dieu parce que le parc de Bercy est super joli pendant la pause dej’, ça a été d’un grand soutien (merci mec).

Je voudrais remercier les blogueurs qui ont lu cette note, pour leur indulgence. Parfois, on a l’ego qui déborde, et ça fait du bien. Parfois, c’est en public, et après coup, on est un peu gêné. Parfois, on peut raconter ça sur la toile, et y a pas à chier, c’est quand même bien pratique.

Histoire de me calmer un peu, parce que après, ça fait vraiment mal quand on tombe, il y a ce petit dessin qui marche toujours…

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *