Lundi 05 septembre 2005

Je n’ai rien posté du week-end. Pas fait signe de vie depuis jeudi ou presque. Le boulot a repris, et je le sens passer. Il est 16 h 45, et j’ai déjà les yeux qui se croisent. J’ai passé le week-end en mode veille. Tout ce que j’ai fait, c’est bouquiner un peu. Terminer ce bouquin sur lequel je m’échine depuis trois mois.

Parce que oui, mesdames et messieurs, dans mon état second de demi-léthargie récupératrice, j’ai réussi un exploit : j’ai lu d’une traite l’Ancien Testament. De la Genèse à Malachie, dans l’ordre. Ca m’a pris trois mois, et j’ai fini hier. Je suis fière de moi.

Je suis fière de moi, parce que je viens de me farcir neuf cent cinquante pages parfaitement imbitables. Parce que la Bible, ce n’est pas seulement d’une violence et d’un racisme sans nom, mais c’est avant tout chiant à mourir (je sens que vous motive pas pour lire la suite, là…)

J’ai eu une éducation catholique assez gratinée. La Bible, pensé-je, je sais ce que c’est.

…Eh ben non. Moi je croyais que là-dedans, tout le monde il était beau, tout le monde il était gentil et que Dieu les protégeait des méchants. Que dalle. Il y a des scènes, même le pire pervers n’aurait pas pu les penser. Et aujourd’hui, on en connait un rayon en pervers. C’est pas moi qui le dit, c’est Claire Chazal. Qu’est-ce que c’est que cette manie de vouloir absolument ouvrir le ventre des femmes enceintes ? Vous saviez que Saül, pour donner sa fille à David (je n’ai pas écrit « accorder la main de sa fille »), il exige qu’il lui rapporte cent prépuces de Philistins pour le lendemain ? Et comme David, c’est un mec, un vrai, et que la donzelle, elle lui plaît quand même vachement, il arrive au matin fier comme un paon, ses cent prépuces en main. De la réaction de la demoiselle, on ne saura pas un mot, mais je l’imagine bien le regarder de ses grands yeux en lui susurrant « Oh, David, mon héros… »

Bref. Je sais que je n’ai pas un point de vue objectif, loin s’en faut. Rien que le fait que je sois une fille, et surtout une fille qui sait lire, ça montre bien que je ne suis pas le public visé. Je sais bien que je vis en 2005. Je sais bien que je n’ai sans doute pas toute la culture requise pour apprécier l’exacte valeur de ce document et remettre chaque chose dans son contexte. Mais quand même.

Je savais que le Dieu de l’Ancien Testament et celui du Nouveau Testament n’avaient pas grand chose en commun. J’avais retenu des cours de cathé que l’un était vengeur et l’autre miséricordieux. Vengeur… Ah, le bel euphémisme ! Ce que je vais dire est peut-être blasphématoire, mais le Dieu de l’Ancien Testament, c’est surtout un bel enfoiré. Compassion, zéro.

C’est le roi du faites-ce-que-je-dis-faites-pas-ce-que-je-fais. Dans les dix commandements, il ordonne qu’on ne fasse pas payer le fils pour la faute de son père. Hop, comme je suis sympa, je vous fais passer direct trois cents pages plus loin et je vous évite tous les épisodes intermédiaires : quand l’un des rois d’Israël, David par exemple, au hasard, fait une connerie, Dieu est très en colère (c’est la version courte). « Attention, dit Dieu, t’as vraiment déconné, je vais t’en mettre plein la figure, tu vas même pas comprendre ce qui t’arrive. » Forcément, le pauvre type devant ça, il commence à flipper sévère. Il pleure. Il se confond en excuses. Promis, juré, craché, il le fera plus. Dieu, grand prince, lui dit d’accord. Ça va pour cette fois. T’as l’air vraiment désolé, je te ferai rien. Mais comme il faut bien qu’il y ait une punition, je vais me lâcher sur tes gamins jusqu’à la douzième génération, tu vas voir ce qu’ils vont prendre. Bel exemple.

Je trouve ça complètement flippant que ce bouquin ait servi de bible à des centaines de générations. Quand le peuple élu arrive dans un nouveau pays, la règle du jeu est claire : il s’agit de tuer tous ceux qui occupent le territoire (sauf les jeunes vierges), et de détruire tous leurs lieux de culte, toutes leurs habitations. Cette apologie du peuple élu, cette violence pour les peuples étrangers, ça a eu une résonnance pour moi à la lecture qui m’a presque fait culpabiliser.

Je croyais que je connaissais. On est nombreux à croire qu’on connait. On nous en a beaucoup parlé quand on était petits. Eh bien, on se fourre le doigt dans l’œil jusqu’à l’omoplate.

L’épisode de Jonas dont on m’avait rabattu les oreilles pendant deux ans, il prend à peine deux pages. Dans les 948 pages qui restent, qu’est-ce qu’il y a ? Du sang, de la violence, de la culpabilité, de la culpabilisation, et des villes détruites parce qu’elles ne sont pas sages.

Mais on peut nous raconter n’importe quoi. Qui ira vérifier ? Qui ira les lire, mes 950 pages en papier bible et police 4 ? Personne, ou presque. C’est que non seulement, c’est écrit tout petit, mais en plus c’est tellement chiant qu’on se surprend à compter les lignes.

On appelle ça la tradition orale. Or, c’est bien connu, la pédagogie passe par la répétition. C’est rien de le dire. Au quatrième récit de l’épisode David/Salomon, on a envie de s’asseoir et de pleurer. Oui, c’est bon, on avouera tout ce que l’on voudra, mais on a compris. Répétez plus, s’il-vous-plaît.

Les textes de loi sont répétés au moins trois fois, dans les Nombres, le Lévitique et dans l’Exode. Personnellement, je n’en ai rien à foutre qu’il faille faire attention à ne jamais placer un bœuf devant un âne quand on laboure. Et quand on me le répète pour la troisième fois, j’ai tendance à le prendre comme une agression personnelle.

Le plus beau, ce sont les généalogies. De temps en temps, comme ça, d’un coup, il y a trente pages de un tel a engendré un tel, qui a engendré un tel, qui a engendré un tel, qui a engendré un tel… Pas un verbe, rien. Les dix premières lignes, c’est rigolo, parce qu’ils ont des noms à coucher dehors. Passé deux pages, on a un peu l’impression de lire le bottin. Et puis comme je les connais pas personnellement, savoir que Jéroboam est le fils de Joachaz qui est le fils de Eltsibom, je crois que je peux survivre sans.

Finalement, on le comprend Dieu, le pauvre. Quand ça fait cinq cents pages que vous répétez à des abrutis que nâân, faut pas adorer les autres dieux, le seul vrai, c’est moi, moi tout seul, quand ça fait cinq cents pages que vous les menacez de détruire leur champ, leur vigne, de transpercer le ventre de leur(s) femme(s) enceinte(s), de maudire leurs enfants jusqu’à la septième génération, de leur faire perdre tous leurs cheveux, et que ces cons finis recommencent à brûler de l’encens pour une Simone quelconque, il y a un moment on l’on fatigue. Il suffit que l’on soit d’un caractère un peu preste pour que ça dégénère.

Je n’ai jamais aimé parler de ce que je ne connais pas. Ça faisait partie de mes motivations quand j’ai commencé ma lecture. Voilà, j’ai vu. Je suis désolée pour tous ceux qui me liront et qui sont catholiques ou juifs. Mon but n’est pas d’insulter qui que ce soit, évidemment. J’ai simplement été profondément choquée par ce que j’ai lu. Si vous avez des remarques à me faire, ça m’intéresse.

J’ai terminé l’Ancien Testament, et j’embraye sur le Nouveau. …Je pense que je vais faire une petite pause avant de démarrer le Coran.

Je vais pas tarder à déprimer : ça a été un choix difficile pour moi de quitter le catholicisme, et en lisant tout ça, je ne me rends pas service. Comparé aux premiers livres de la Bible, le Nouveau Testament, c’est génial. Jésus, il est gentil. C’est un visionnaire. Il veut que tout le monde s’aime.

Enfin, il me reste trois cents pages, j’ai encore tout le temps de me mettre en colère.

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