Please get off the train on the left. Bahada puellado y cierdo (orthographe approximative)

Je reviens du blog de Thilde. Le job de Thilde dans la vie, c’est de conduire le métro, sur la ligne 2. Rien que pour ça, je l’aime bien.

Ben oui, le métro, c’est important dans ma vie. Le truc le plus indispensable dans mon sac à main, excepté mes clopes, mon portable, ma CB et ma pilule (merde ! ma pilule !), c’est mon Navigo pass.

Je vous préviens tout de suite. Vaste sujet, vaste note. Mais j’ai sauté plein de lignes pour que vous puissiez zapper des paragraphes, et en récompense, il y a un dessin à la fin.

Les provinciaux, les demi-Parisiens (pour lesquels j’ai par ailleurs un respect profond, cela va sans dire), n’aiment pas le métro. Pire. Ils ne comprennent pas qu’on puisse aimer le métro. Pour eux, métro = heure de pointe + connasse tombée dans sa bouteille de parfum + sale mouflard qui te marche sur les pieds en reniflant + clochards + est-ce qu’il y aurait moyen de descendre avant que tout le monde se précipite pour monter + pervers (au pluriel).

Bon. Ils ont pas entièrement tort, je le concède. Mais le métro, c’est pas que ça.

D’abord, je tiens à préciser qu’il paraît que c’est bien pire ailleurs : mon frère vient de rentrer de six mois à Moscou, et l’une de ses premières réflexions à son retour à été que c’était agréable le métro à Paris, (je cite) au moins ici les gens sont polis.

Ah ouais, quand même.

Le métro, c’est des gens, et les gens, c’est marrant.

C’est cette fille qui se la joue, genre je suis trop belle, tous les mecs du monde ont le regard posé sur moi, et toutes les autres filles autour de moi (vous y compris) sont des chiures de mouche. Quand elle s’est retournée pour descendre, je me suis aperçue qu’elle traînait des feuilles de PQ dans son pantalon. D’un coup, je la détestais moins.

Ce sont les provinciaux qui se fixent un rendez-vous, qui ne connaissent pas la ville et qui stressent :

  • On se retrouve à 14 h à Châtelet, hein ? Sans faute ! Tu seras là, tu seras pas en retard, tu te planteras pas de station ?

Les pauvres… Si on savait pas qu’il est absolument impossible d’arriver à retrouver qui que ce soit avec un rendez-vous pareil, Géant Vert compris, on aurait presque envie d’aller à Châtelet le lendemain à 14 h pour voir leur tronche.

Ce sont les copains qui discutent entre eux et qui ne s’aperçoivent pas qu’il y a des gens autour, et que les gens, ça écoute.

Ce sont les regards échangés dans les reflets des vitres.

Le métro, c’est des souvenirs, et les souvenirs, c’est rigolo.

C’est la fois où mon portable a sonné : une copine affolée qui voulait que je lui explique comment faire cuire des artichauts, là, tout de suite. C’est bien, maintenant, tout le wagon sait comment faire cuire des artichauts.

C’est ce marionnettiste qui tend son rideau noir entre deux barres et fait braire ses marionnettes sur Petit Gonzales. Les gens changent de place pour ne pas lui tourner le dos, je commence à chantonner, je suis au spectacle. Ca me rappelle mon enfance.

Ce sont les retours de soirée où on s’amuse à chanter à tue-tête sur Aimer, c’est ce qu’il y a de plus beau, en inventant des paroles avec des rimes en -our. (Allez, je vous aide : four / abat-jour / amour / velours / balourd / Darfour [ok, je sors]).

C’est la fois où j’avais fait les catacombes de nuit avec des copains, où je me suis endormie au matin sur le quai, et où je me suis réveillée avec cinquante francs dans la main.

Le métro, c’est Paris, et Paris, c’est chez moi.

C’est la Tour Eiffel entre Passy et Bir-Hakeim.

C’est être capable de donner de tête n’importe quel trajet d’une station à l’autre, estimation temporelle comprise, en moins de cinq secondes. C’est se la péter en aidant les provinciaux à s’y retrouver.

Ce sont les chauffeurs qui souvent se sentent un peu seul dans la cabine et te laissent monter avec eux. J’aime bien les écouter parler.

Le métro, c’est des aventures tous les jours, et ça permet de se sentir vivre.

Et même, une fois, je me suis fait agresser par une petite vieille. Ça vous est pas arrivé, ça, hein ? Bon elle était pas si vieille que ça, elle devait avoir seulement la soixantaine bien tapée.

Je pose le décor : ligne 1, heure de pointe (évidemment), chacun ses dix centimètres carré pour respirer. Parfois, on arrive à être tellement serrés que tes pieds ne touchent plus le sol. C’est pas très grave, parce que de toute façon, tu risques pas de te casser la figure, sauf grosse et brusque hémorragie de passagers à une station importante.

Donc, c’était l’heure de pointe. Et cette petite vieille, elle me tapait déjà sérieusement sur le système, parce qu’elle se cramponnait jalousement à son strapontin. J’ai hésité à lui expliquer que même debout elle ne courait aucun risque de se vautrer, et puis je me suis retenue et j’ai rentré le ventre histoire qu’elle puisse respirer. J’ai commencé à me regarder dans la vitre. Pas par narcissisme (quoi que), mais parce que j’avais pas la place de bouger la tête.

Une ou deux stations plus loin, j’ai senti des coups dans le ventre. J’ai baissé le regard lentement. Elle me frappait avec son sac à main, la vieille peau ! Elle a levé les yeux vers moi, et je me souviens m’être dit précisément : « Ça y est, j’ai vu une sorcière. » Elle a crié : « Vous allez me laisser de la place, oui ?? Je vais vous apprendre la politesse, petite conne ! »

Ça, sauf erreur de ma part, c’est une insulte à ma maman. Si, si. Ma maman, elle a fait de son mieux pour m’apprendre la politesse. Alors, pour lui faire honneur, j’ai pris ma plus belle voix, dégainé mon plus joli sourire, et j’ai déclamé :

  • Je vous prie de m’excuser, madame. Mais avec tout le respect que je dois à votre grand âge, il me semble qu’en matière de politesse, on est surtout censés libérer les strapontins quand il y a trop de monde. Cela dit, je comprends que votre âge ne vous permette pas de faire autrement. Vous comprendrez aussi que je fais de mon mieux pour laisser de la place, mais qu’avec douze mille personnes derrière moi, ce n’est pas forcément facile.

Bon, à la fin de ma tirade, j’avais plus grand-chose à dire, et elle non plus. Les gens m’ont regardé souriants, et le temps a commencé à être long. Là, Dieu merci, je suis arrivée à ma station et je suis descendue.

Le métro, c’est des mecs bizarres, et ça… Euh, ça, ça fait que je tiens au mien.

Je vais pas vous raconter tous les exhibs, chieurs et dragueurs du dimanche sur lesquels je suis tombée dans le métro, sinon, vous serez encore en train de lire cette note demain matin. Les mecs ne se rendent pas compte de ce que c’est, être une fille à Paris. D’ailleurs j’en ai déjà parlé un peu une fois, alors si ça vous tente, faut cliquer [1].

Mais l’autre jour, je suis tombée sur mon record. Le pire du pire. Le plus méprisable du plus méprisable. Et pourtant, ça fait six ans que je suis dans cette ville.

Ligne 6, 9 heures du matin. Soucis sur la ligne, rame blindée. Je monte à Corvisart, et je me plonge dans l’Évangile de Marc (si vous avez fait une tête bizarre en lisant cette dernière phrase, la réponse est [2]).

Forcément, je suis pas très attentive à ce qui se passe autour de moi. Mais je me dis bien, tout de même, que le mec qui partage mon demi-mètre carré fait une drôle de tête. Il halète. Il est tout rouge.

À Chevaleret, je prends un risque. Je décale légèrement mon bouquin vers la droite, et je regarde ce qu’il y a en dessous. Ben, j’étais pas préparée psychologiquement, et je peux vous le dire, ça fait tout drôle.

Sans les mains. Des exhibs, j’en avais vu. Des mecs qui se branlent dans le métro, j’en avais vu. Des mecs qui se branlent devant moi, en me regardant, j’en avais vu. Un mec qui se branle sur moi, on me l’avait jamais faite, celle-là.

C’était le matin. J’étais fatiguée. Je venais de lire quand on te frappe sur la joue droite, tends la joue gauche. Je ne lui ai même pas mis de beigne. Je l’ai regardé, interloquée. Il est descendu à Quai de la Gare. Maxy_vince, si c’est vraiment toi qui m’as fait ce coup-là, j’exige que tu te dénonces…

Ah, je me demandais si j’avais fait le tour de mes anecdotes dans le métro, et non en fait. J’ai failli me faire écraser par une rame sur la 5, une fois. Dis comme ça, c’est un peu brutal, mais je tiens à rassurer mes parents, je suis vivante, tout va bien. Ça fait un choc, et puis progressivement, ça se transforme en souvenirs à raconter à ses petits enfants.

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