LBA est un cerveau

Un vrai, un brillant, un rare, un sévèrement blond.

Exemple.

Ce qu’il y a de sympa à mon boulot, c’est la bande de collègues inclue dans le pack. Ils sont cinq mecs avec lesquels je m’entends très bien. On est potes, on déjeune ensemble, on se raconte nos vies, on se remonte le moral, on se couvre les uns les autres, tout le tralala. La dreamteam.

Et ça fait des mois que je leur cache minutieusement que :

·        Je ne suis pas célibataire.

Eh oui, au bureau, tout le monde y croit dur comme fer (sauf la fille de l’accueil, je reste une fille, hein, faut que je raconte ma vie sinon j’explose).

Pourquoi je cache ça ? Euh, parce que je suis sortie avec l’un des collègues en question un soir de beuverie une semaine avant de rencontrer P.

Parce que mon argument pour avorter la relation dans l’œuf, c’était non, mais tu comprends, je suis pas prête, je sors d’une rupture douloureuse, bla, bla, bla. Tout ça me retrouver casée comme jamais à la vitesse de la lumière dès qu’il a eu le dos tourné. J’en ai un peu marre de ma réputation de bourreau des cœurs.

En plus les quatre autres n’étant même pas au courant de l’épisode 1, ça fait un coming-out un peu compliqué.

Oui, ce blog, aujourd’hui, c’est Santa Barbara.

·        Je tiens un blog.

Dire « Je tiens un blog », même si on en crève d’envie, c’est la porte ouverte à toutes les fenêtres.

C’est les « C’est quoi ton URL, tu racontes quoi dedans, c’est un journal intime ? tu casses du sucre sur le dos de qui, franchement pour ouvrir un blog, faut pas avoir d’amis », et je pourrais continuer longtemps ma liste à la con.

Dire « Je tiens un blog », c’est dire : « Je fais semblant de bosser depuis le début, je vous ai tous bien eus, en fait j’en fous pas une rame de la journée ».

C’est du suicide.

Suffit que ça remonte aux oreilles du patron, et ma glorieuse et prometteuse carrière dans la rédaction des guides utilisateurs s’arrête net. Comme une perdrix en plein vol le jour de l’ouverture de la saison de chasse.

Et aujourd’hui, au resto, entre la poire et le fromage, dans une ambiance détendue d’anniversaire, le drame, la gaffe.

Mes cinq zoziaux me fixent avec les yeux en dehors des orbites. Je leur aurais raconté un épisode de la vie sexuelle des bonobos, ils ne m’auraient pas regardé différemment. Je les dévisage un par un par un, en me demandant ce qui se passe. Sur le coup, j’ai eu l’impression d’avoir avoué un truc très très sale. Je me suis repassé ma phrase dans ma tête à la vitesse de l’éclair. Ensuite, encore plus vite, je me suis repassé le contenu de mes dernières notes.

Une pensée émue pour le collègue avec lequel j’ai eu ce que d’aucuns appelleraient une aventure, et qui doit encore être en train d’essayer de recracher le morceau qu’il a avalé de travers au moment où il s’est aperçu qu’à tous les coups, j’ai raconté son dérapage sur Internet.

J’ai essayé de feinter, de dire, mais y a rien d’intéressant, que dalle. J’aurais du y penser, ma mère avait eu les mêmes arguments quand j’étais gosse devant le placard mystérieux. Vous savez, le placard mystérieux de la semaine du 20 décembre. J’ai découvert dix minutes plus tard, grâce à mon sang froid et ma perspicacité sans pareils que le Père Noël, c’est du réchauffé.

Je me suis un peu éloignée de mon sujet. Tout ça pour dire qu’il faut pas les prendre pour des billes, mes collègues, ils sont pas payés deux fois plus que moi pour rien. C’est des petits malins. Nan nan nan, qu’ils m’ont dit. Si tu dis ça, c’est que t’écris des trucs que tu nous raconte pas, ça se trouve même tu dis des choses sur nous, tu nous donnes encore plus envie d’y aller.

Argh. Je suis faite comme une rate. Un coup d’œil à droite, un coup d’œil à gauche, il n’y a plus d’issue. Le sol s’ouvre sous mes pieds.

Et vous savez là où je suis encore plus un super cerveau ?

C’est que je sais très bien qu’à cet instant précis, là maintenant tout de suite, ils sont en train d’essayer toutes les combinaisons possibles sur Google pour retrouver mon blog. Et que je poste quand même (c’est une drogue, je vois que ça). Pire. Je poste quelque chose sur eux avec un résumé de tout ce que je leur cache. Un vrai guide utilisateur.

Je suis une professionnelle. Vous le direz, au patron, que je reste une pro, même dans le suicide, hein, les mecs ?

Je crois que je vais devoir partir en Argentine. Mais avant, je vais filer mon URL à mes parents. Pour la beauté du geste.

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *