Boire un petit coup

On peut difficilement faire moins sexy comme début de note, mais : parfois on pense qu’on a touché le fond, et puis on s’aperçoit que non. J’ai déjà posté, ou pensé poster, nombre de notes plutôt glauques.
Eh ben celle-là, c’est pire – pas de panique, aujourd’hui tout finit bien.

J’ai cru par exemple que c’était uniquement la belle-grand-mère qui me mettait à la torture. C’était vrai, mais pas seulement. La belle-grand-mère est une plaie énorme à la face de la civilisation occidentale, mais le véritable fléau de l’humanité, ce sont les gens de bonne volonté. Ceux qui vous bouffent l’existence avec de grands sourires et les meilleures intentions.

Ma belle-mère est adorable. Compréhensive et ouverte. Elle a également pris en main l’opération déménagement. Je ne la remercierai jamais suffisamment d’avoir pris l’initiative de repeindre mon nouvel appartement – même si j’aurais préféré choisir la couleur et décider si on repeignait ou non les portes et les plafonds. Je voudrais bien avoir l’impression que je suis aussi chez moi. Pas moyen d’approcher d’un pinceau ou d’un carton. Elle est d’une dextérité déconcertante. Quand elle aura monopolisé les stocks Ikea, la peinture et le reste, vous pourrez toujours vous allumer une cigarette et vous demander ce que vous faites là.
Je ne peux pas ne pas penser qu’il y a quelque chose qui cloche quand le soir venu on part en claquant la porte de son appartement tout neuf et qu’on se dit : « Waow, débarrassée, go home. » Surtout quand « home », c’est chez la grand-mère.

Une autre chose compliquée dans l’existence d’une jeune fille moderne, c’est d’essayer d’expliquer au téléphone à son fiancé que comment dire, j’adore ta mère, mais là, faut que ça s’arrête.
Je passe les détails et les conversations houleuses, mais après un mois à faire ville à part, lui dans ma ville chérie et moi dans la sienne, hébergée dans la belle-famille, je ne sais plus exactement où j’en suis. Je ne suis plus tout à fait sûre de savoir qui, dans la famille, doit l’épouser. En tout cas, il est manifeste que je ne suis pas la première en lice.

Entre deux séances d’emménagement, repos chez la Mamie, pour s’entendre dire que c’est tellement bien que le fiston quitte enfin Paris, qu’il rentre enfin à Lyon, parce qu’il a toujours détesté Paris et que d’ailleurs il ne lui est jamais rien arrivé de bien là-bas (Merci pour moi Mamie). Oui, oui, rempile la grand-mère, jamais rien de bien. Il a été très malheureux. Heureusement, vous rentrez. Nous allons enfin pouvoir être là les uns pour les autres et se voir souvent. Gasp.
La grand-mère n’est jamais fatiguée. Elle ne s’arrête jamais. Les scènes de torture se suivent et ne se ressemblent pas toujours. Je pense à l’une, en particulier, qu’il faut absolument immortaliser.
J’ai parlé déjà de la tante qui a sacrifié sa vie pour la grand-mère, qui ne s’est jamais mariée, n’est jamais partie, etc ? Bon, la mise en contexte exige que je dise rapidement un mot de notre coloc adoré et que je précise que lui non plus, il n’est pas tout à fait près de prendre épouse et de procréer. Pas exactement pour les mêmes raisons, d’autant qu’il n’a pas non plus le même âge que la tante en question, mais bon.
Bref. L’autre jour au dîner, devant la fameuse tante, la grand-mère était en verve. Voilà qu’elle affirme :
– Heureusement maintenant, CoffeeAddict [CoffeeAddict, c’est le coloc] va devoir changer.
Moi, bêtement :
– Changer ?
– Oui, changer ses habitudes, vous savez.
Heu, non, je ne sais pas. Il faut dire que le coloc et les horaires, ça fait deux. Il faut dire aussi que le coloc et les convenances, ça fait trois. Ça la rend cramoisie, la pauvre vieille dame. Et puis l’idée que l’homme et moi, on puisse se sentir proche à ce point de quelqu’un, c’est à la limite du tolérable. Elle continue :
– Oui, jusqu’à maintenant, l’homme et vous, vous étiez là pour le soutenir, vous le compreniez entre les lignes, mais maintenant que vous allez habiter tous les deux à Lyon, il va falloir qu’il se débrouille et qu’il se fasse de nouveaux amis…
– Mais on est toujours là ?
– Oui mais quand même. Il va falloir qu’il se fasse des amis.
Deux en un, silence et soupir.
– Euh. Ce n’est pas spécialement le genre du coloc, vous savez. Ce n’est pas son but dans l’existence, mais …si vous le dites.
Silence de la mère sollicitude. Tout à coup, la lumière se fait dans son cerveau. Pour me poser sa question, elle a ce geste bizarre, ce mouvement des épaules qui donne l’impression que sa tête sort doucement de son cou vers l’avant.
– Mais …CoffeeAddict, il doit faire le désespoir de ses parents ?
Moi, très bêtement :
– Pourquoi ?
– Ben, s’il ne fait pas d’efforts, il ne se mariera pas…
– Euh, oui…
– Il n’aura jamais d’enfants…
– Et ?
– Eh ben, il doit vraiment faire le désespoir de ses parents.
– Mais pourquoi ?
– Ah, dit la grand-mère qui vient de trouver pourquoi l’annonce du probable futur célibat de mon ex-colocataire ne me trouble pas plus que ça, mais il doit avoir des frères et sœurs ??
– Oui, un petit frère, mais où est le rapport ?
– Ben, il est marié son frère…
– Euh non Mamie. CoffeeAddict et son frère ils sont un peu faits sur le même schéma tous les deux. Ils ne sont pas partis pour se la jouer bon père de famille, je crois.
– Mais son frère, il a des enfants ?
– Non, Mamie.
– Mais il en aura ?
– On ne sait jamais, mais je ne pense pas, Mamie.
– Mais il doit faire le désespoir de ses parents ?
À ce stade de la conversation, si tant est qu’on puisse appeler ça une conversation, j’ai croisé le regard de la tante de l’homme, celle qui vit là, celle qui n’est pas mariée, celle qui s’occupe de sa mère, et je me suis sentie très mal à l’aise. J’ai expliqué que là tout de suite maintenant, il fallait vraiment que j’aille aux toilettes.

Bref. Quelques aperçus, pour dire que la semaine a été très longue – et nous sommes mercredi soir.

Hier à l’heure du dîner, j’ai appelé le coloc pour qu’il m’emmène boire un verre.
J’ai pleuré plus ou moins toute la soirée, d’épuisement, d’énervement, parce que je savais que j’étais incapable de passer les cinquante prochaines années dans un bain pareil, et que ça allait me poser un sacré problème si j’avais toujours l’intention de me marier.
J’ai pleuré plus ou moins toute la soirée parce que je savais bien que je n’arriverais jamais à expliquer tout ça à l’homme.
Au moment de rentrer, mes jambes se sont dérobées sous moi, et mes yeux on rejoué la scène de la fontaine automatique. Assise dans la voiture, devant le portail de la grand-mère, j’ai hésité quelques minutes. J’ai griffonné quelques mots sur un bout de papier que j’ai glissé dans le salon et je suis retournée vers le coloc, direction chez lui.

Freedom. Ça allait être ma première vraie grasse mat’ depuis le début du mois (je rappelle aux oublieux que je suis au chômage, et que si l’on prend en compte le fait que ma belle-mère a unilatéralement pris en main tout ce qui concerne le déménagement, l’aménagement et le nouvel appartement, tout ce que j’ai à foutre de mes journées, c’est aller au code). Ma première grasse mat’ sans aspirateur à 6h30 le matin, sans mamours hurlés avant l’aube à je-ne-sais-quel-chien, à je-ne-sais-quel-chat ou pire, au téléphone.
Enfin un temps de pause, quelques heures loin de la sorcière.
Quand le coloc se lève pour aller bosser, je passe un coup de fil chez la grand-mère pour la prévenir de ne pas m’attendre pour le repas de midi, que je ne sais pas encore ce que je vais faire ce matin, que je vais sans doute rester chez CoffeeAddict, bref, pour lui dire de ne pas s’inquiéter.
Je n’ai pas envie d’aller au code. Je m’étends dans le lit avec toute l’énergie dont je suis capable, j’ai un sourire béat et comme j’ai l’intention d’utiliser ma matinée à bon escient, je me rendors, heureuse, bienheureuse, au calme.

Mais la sorcière a un super pouvoir. Quoi qu’on lui dise et quel que soit le ton qu’on emploie, elle n’entend que ce qu’elle attend.
09 h 00. Mon portable sonne. C’est elle.
– Bonjour LBA ! Ça se passe bien le code ?
– Je ne suis pas au code, Mamie. Je vous ai appelée tout à l’heure pour vous le dire. Je suis toujours chez CoffeeAddict. Je dormais.
– Ah, je vous réveille ?
Certes. Mais ça n’a pas l’air de la déranger. Elle continue.
– Je vous appelle pour vous demander de passer chez le boucher. C’est pour votre steak. Ça ne vous fera pas un gros détour, c’est juste à côté de votre auto-école.

Les mots me manquent et c’est dommage : elle, on ne peut plus l’arrêter. J’ai droit à un discours sur le rôti de veau qui lui reste, mais elle l’a déjà servi au dîner hier, je préférerais certainement un steak, d’habitude elle prend du rumsteak, mais j’achèterai bien ce qui me fait envie et d’ailleurs le boucher, c’est celui chez lequel elle achetait la viande de l’homme quand il était petit. Je lui ai dit pourtant, que j’étais en train de dormir. J’essaie de reconstruire ses phrases à partir des bribes qui traversent la brume de mon cerveau.
Je finis par réussir à raccrocher. Je suis en larmes. Le coloc n’est plus là pour me rassurer.
On en apprend tous les jours. Aujourd’hui, je découvre que c’est très désagréable de se réveiller en pleurant.

C’est trop. Je ne demandais qu’une matinée de calme. J’avais prévenu. J’avais été réglo. Mais il est des choses impossible à concevoir pour Mamie Nova et parmi elles, l’idée que l’on puisse vivre en dehors de son influence. Je dors chez le coloc ? Je reste chez lui au matin ? J’essaie de me soustraire à sa douce hospitalité ? Insupportable. Qu’est-ce que ça aurait été si j’avais dormi chez moi.
C’est sans issue. J’appelle l’homme et entre deux sanglots j’essaie de lui expliquer ce qui se passe. Peine perdue. Il est adorable, il fait de son mieux, il m’écoute comme il peut – et il m’explique que la vieille est gâteuse, qu’il ne faut pas lui en vouloir, qu’il faut prendre du recul, qu’il faut s’en foutre et prendre sur soi. Il pousse même la gentillesse jusqu’à appeler son père pour lui dire que la grand-mère va trop loin. J’ai bien besoin que le reste de la famille s’en mêle, tiens.
Douche, métro, tram, bus, boucher. Je pleure dans la rue, les gens me regardent d’un air bizarre. Je donnerais n’importe quoi pour ne pas exister. En fait, je n’existe plus.

Je pousse le portail de la maison comme Marie-Antoinette le portillon avant l’échafaud. Puis la porte. Je suis dans l’antre.
Elle a une mitraillette dans la bouche. Elle me tient, elle ne va pas me lâcher. C’est l’heure des représailles. Et le code, comment ça s’est passé ? Et combien j’ai fait de fautes ? Et c’était pas loin le boucher, hein ? Il est bon le steak ? Je me disais que ça vous ferait plaisir. Et le code, comment ça s’est passé ? Elle a complètement oublié CoffeeAddict.

Ça ne se fait pas de hurler sur sa belle-grand-mère. Ça ne se fait pas de lui dire de se taire. Je ne réponds rien. Je lis Télé7Jours. Il paraît qu’il ne faut pas que je la provoque.
Il y a une larme que je ne retiens plus qui passe sur ma joue. Elle ne voit rien. Prendre du recul, hein ?
Quand au dessert, elle m’annonce qu’elle m’a pris une invitation pour le Salon du Mariage de Trifouillis-les-Oies le soir-même, je déglutis, et je réponds qu’il faut que j’aille aux toilettes.

18 h 30. Je suis dehors. J’ai demandé à Mamie Nova quel bus il fallait prendre pour aller à son Salon. Elle m’a répondu quel n’avait pas vu tel chat depuis une heure, qu’il était peut-être sorti, qu’elle était très inquiète. Je marche droit devant moi. Je n’irai pas. Je pleure toujours. J’ai un peu honte.

Sur la place de l’église, il y a un PMU. Ils sont en train de faire le ménage. C’est pas vrai, ils dorment à 20 heures dans ce pays ? On me fait signe d’entrer quand même. Le patron me tend une pinte, me donne le “Progrès”. Ça y est, j’ai touché le fond.

J’ai lu le “Progrès” scrupuleusement. Chaque dépêche, chaque ligne, chaque départ de feu à Vaulx-en-Velin. Et puis j’ai levé les yeux et j’ai regardé autour de moi. C’était moche.

Rien ne ressemble plus à un PMU qu’un autre PMU. Celui-là est propre et morne. Au bout du comptoir, ils sont cinq ou six, la cinquantaine bien tapée et l’alcool courant. Ça parle fort, ça se hèle, ça rigole. N’importe quel pilier de comptoir, n’importe quel ville, n’importe pays, n’importe quel bar.
Il y a aussi un couple avec une petite fille. Ils ont assis leur gamine sur le comptoir, elle babille, fait la conversation au patron. Elle est adorable. Les parents, c’est autre chose. Ils sont souriants, il manque trois dents au père et deux à la mère. Ils ont l’air gentils. Ils tiennent chacun leur litron. Ils en ont déjà pris un au réveil, un à 10 heures, un à midi, à 14 heures, 16 heures, maintenant. Le père porte une sorte de moustache, la mère a le regard noyé. Je ne pourrais pas vous dire quel âge ils ont.
Il y a aussi le patron, cinquante ans portant beau et exactement le même accent que le tavernier de Kaamelot, qui se multiplie derrière son bar. Qu’est-ce que ça doit être quand la salle est pleine…
Et à quelques mètres de moi, il y a la plus grande pétasse de la banlieue lyonnaise, la plus grande pétasse de l’histoire de la pétasse. C’est la copine du patron. Elle a son âge, et ça se voit. Mais elle a aussi une paire de bottes en faux cuir noir, avec des clous et des talons aiguilles plus hauts que moi, un short plus court que la plupart de mes culottes et une veste de tailleur. C’est tout. Ce qui l’habille le plus, c’est la peinture au rouleau qu’elle a sur le visage.
Les piliers de bar s’en vont. le couple avec l’enfant s’en va.
Il ne reste plus que le patron, sa copine et ses dix ans de plus que ma mère, leur meilleur pote, et moi.

Le meilleur pote, ça fait une demi-heure qu’il me fait la conversation. Même perché sur son tabouret, il m’arrive à l’épaule. Je m’en fiche. J’en suis à ma deuxième pinte offerte par le patron, et il m’écoute, et il m’amuse. Il regarde le gros bouquin que je trimballe avec moi et fait son connaisseur. Il explique qu’il en a plein, des bouquins, et qu’il a tout référencé sur disquette. Il me montrera, il me prêtera ceux qui m’intéressent, aucun problème. Je me dis que ce n’est pas la peine de lui répondre que ça fait longtemps que je n’ai plus de lecteur de disquettes sur mon ordi. Quand je lui dis que je me passionne pour la littérature française de l’entre-deux-guerres, il me répond que lui aussi, il adore les BDs – mais celles pour adultes. Il a de grandes phrases extraordinaires, « Je vous avoue, j’ai toujours été un type bizarre, et pourtant, j’ai toujours été patron de bar. Eh ben le bar, c’est la vie. » Il fait une pause. « Mais pas la vraie vie. Le bar, c’est la vie des autres. » Je commence à me sentir mieux.
On discute, on discute toujours. On se répond à côté de la plaque, on ne s’entend pas, on s’écoute mal, mais on essaie et je m’en fiche.
Il me demande si je suis du coin, ce que je fais là. Je lui dis que je fais le Salon du Mariage buissonnier, je parle de la grand-mère. Il rigole. Il s’appelle Yves. Derrière le comptoir, c’est Pascal, son pote de trente ans. Ils sont en train de racheter le bar ensemble. Il sait que c’est pas souvent un célibataire qui s’entend aussi bien avec un couple, mais ils sont bien tous les trois. Il me fait sourire. Je viens de m’apercevoir que je suis en train de parler au coloc local. Il ne pouvait rien m’arriver de mieux.

Justement, entre le patron et sa copine, de l’autre côté de la salle, le ton est en train de passer vinaigre. Je ne sais pas ce qui vient de se passer, une obscure histoire de client aux propos déplacés, mais le temps change vite. Ça hurle entre monsieur et madame et le tavernier qui beugle, je vous prie de le croire, c’est quelque chose. La bergère qui lui répond n’est pas mal non plus. La mayonnaise monte, monte, tellement haut que tout le quartier doit l’entendre et que je me fais toute petite.
Je voudrais sortir de ce bar, je vois bien que je suis en trop, mais j’ai encore une bière à finir.
Yves, le meilleur pote, pose sa main sur la mienne. Ce ne sont même pas des avances. Ne t’inquiète pas, me dit-il. C’est normal. Ils s’adorent. C’est comme ça tout le temps, ça va passer. Tu paries ? Tu vas voir.
– Mais je ne les dérange pas, là ?
– Les déranger ? Penses-tu. Ils sont sur leur planète.

D’ailleurs le patron, sans s’arrêter de gueuler, me ressert une bière. Il baisse le ton une demie seconde, le temps de me dire que c’est – encore – offert par la maison.
D’accord. Je fais comme si de rien n’était, je les laisse régler entre eux leurs bisbilles, je réponds oui quand ils me prennent à parti, je continue de bavarder. J’ai de l’alcool plein la tête.

Le Salon du Mariage va fermer. C’est l’heure de rentrer. J’appelle la grand-mère pour prévenir que j’aurai du retard. J’invente une sombre histoire de bus qui ne part pas dans la bonne direction, de 24 au lieu du 52. Quand je rejoins les autres, les amoureux sont amoureux, et ils ont mis la musique à fond. Le patron a les goûts les plus ringards du monde. Il a passé Johnny toute la soirée. Finalement, la version française de « Let the sunshine in », avec les choeurs et tout, c’est moins pire. En tout cas, c’est exactement l’arme qu’il fallait sortir contre ma déprime. Ça y est, ça va vraiment bien.

Ça va tellement bien que je reste dîner avec eux dans l’arrière-boutique. Purée steak, menu unique, la grand-mère est loin.
Pascal vitupère contre la loi anti-tabac, contre les vieux qui sont de mauvais consommateurs et sort un autre litre de rouge. Yves est patient. Jenny, la copine, écoute mes peines de cœur, me parle de son ex-belle-mère. Elle parle comme un matelot.
– Mais largue le ton mec, tu wois. Franchement j’vais t’dire, t’as 24 ans quoi, faut pas t’emmerder… La belle-famille, c’est la merde, je sais.

Et non. Je ne vais pas le « larguer ». Je ne veux pas, puisque c’est lui. D’ailleurs, ça va mieux maintenant. C’est pas l’homme le problème, de toute façon.

C’est l’heure de rentrer. J’ai une grand-mère à rassurer. Je laisse Pascal, Yves et Jenny à leurs petites affaires. Quand je pars la radio est à fond. Toujours le même répertoire. C’est un type que je connais vaguement, un type que mes parents écoutaient quand j’étais petite je crois, qui crie « Et tu n’est pas làààààààààààà ».
Et voilà. Il faut que ce soit je ne sais quel chanteur de seconde zone qui mette des mots sur mon problème.

Il fait nuit noire.
Rien n’est résolu, et je m’en fous.
Je vais rentrer du Salon du Mariage en puant la bière et répondre que sans l’homme, les défilés de robes de mariée, c’est pas pareil.

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