Où LBA est morte de trouille à l’idée de partie en Bulgarie ( et où elle parle d’elle à la troisième personne)

L’angoisse. Ce week-end, j’avais plein de trucs à dire et pas moyen d’en lâcher un mot. J’ai fait le tour des blogs, recommencé cinq fois la même note, renoncé. Et voilà, j’arrive au bureau, et d’un coup les idées se mettent en place, j’ai le clavier qui me démange. Je crois qu’il n’y a qu’ici que j’arrive à écrire des notes correctes. Et merde.

C’est pas comme si je partais en vacances dans deux jours. Pas comme si je butais sur le même problème à la con depuis un mois, à stagner bêtement, à ne rien avoir à présenter à mes boss quand ils reviendront de Bahamas-les-plages blindés de motivation. Et, contrairement aux apparences, c’est pas faute de bosser. Il faudrait vraiment que j’avance.

Je déteste ne pas finir ce que j’ai commencé. Je déteste ne pas résoudre un problème, surtout un problème à la con comme ça. Je déteste l’idée de réquisitionner toute la cellule technique, tout ça parce que je n’arrive pas à faire un copier-coller (j’exagère à peine, le premier qui sourit, je l’étrangle avec le fil de sa souris). Je déteste l’idée d’être payée à ‘ne rien faire’.

Je déteste l’idée de partir en Bulgarie, comme un voleur abandonne l’appartement dont il ne parvient pas à crocheter la serrure. Ce voyage m’angoisse. C’est pas des vacances, c’est de la représentation. Mariage de l’une des mes meilleures amies, faire attention à ce que tout soit parfait, ne pas lui gâcher la semaine de sa vie.

Je dors chez le marié, c’est certainement pas comme ça que je vais rattraper mes semaines de sommeil en retard. Il va falloir sourire, faire risette, avoir une épilation parfaite et des vêtements repassés au millimètre. Pas moyen de s’isoler une demi-journée. On est une petite vingtaine de ses amis à partir, et il va falloir suivre le groupe. Je sais bien qu’elle vient de passer un mois à tout organiser.

Il va falloir se lever en même temps que tout le monde, se coucher en même temps que tout le monde. Pas moyen de partir trois jours sac au dos, limite avec une boussole et un couteau, voir à quoi ressemble ce pays quand on ne le regarde pas à travers les vitres d’un bus touristique.

Je m’en veux aussi parce que je vais lui faire faire un aller-retour supplémentaire à l’aéroport, comme si elle n’avait que ça à foutre. Tout ça parce qu’A. en réservant les billets, a pris la décision unilatérale que l’on serait bien mieux tous les deux tous seuls dans un avion plutôt qu’avec tous les autres. Sauf qu’entre temps on a rompu, qu’il a décidé finalement de ne pas venir (bien, pour simplifier l’organisation, les invités yoyo), et que je me retrouve à squatter un jour plus tôt.

Je déteste me dire que quand mon avion atterrira une semaine plus tard, je rejoindrai directement le bureau, que je ferai une entrée la plus discrète possible avec mon énorme sac à dos, en priant pour que personne ne se soit aperçu que j’ai une demi-journée de retard.

J’angoisse, parce que mi-novembre, c’est la fin de mon CDD, parce qu’on me pose trop de questions.

  • Tu crois qu’ils vont te proposer un CDI ? Bah non, je lis pas encore dans le marc de café. Je vois toujours pas à quoi je leur sers dans cette boîte, alors…
  • Tu veux rester en CDI ? Plutôt mourir que de répondre à cette question. Dire oui, et que cela ne me soit pas proposé, ça équivaut à se prendre un énorme râteau. J’ai qu’un seul ego, merci d’en prendre soin.
  • Tu vas chercher un truc dans l’édition ? Je veux même pas répondre.
  • Tu as toujours tes contacts dans le milieu ? Mais les gens ne voient jamais quand il faut s’arrêter ? Ils ne sentent pas quand leurs questions, leur empressement, leurs interrogations, c’est trop, c’est trop ?
  • Tu vas commencer quand à chercher un nouveau boulot ? Août, c’est pas une super période pour ça, t’as raison. Mais c’est dommage, parce que là tu as du temps, mais comment tu vas faire en septembre octobre ? Là, je vais frapper. Tu crois que je n’y avais pas pensé ? Quand comprendront-ils que l’idée même d’un échec possible m’empêche de dormir ? Que je me sens comme un lutin face à une montagne ? Que j’ai l’air de parler beaucoup comme ça, mais que je ne suis capable de parler que de ce que j’ai digéré ? Que parler à quelqu’un de mon avenir professionnel m’est tout à fait impossible, parce que si je n’arrive pas à faire ce que j’ai dit, l’échec sera encore plus lourd : quitte à se planter, autant pas le faire en public. Je ne sais pas gérer l’échec. Je n’ai jamais su gérer l’échec.

Je déteste passer le week-end chez mes parents, prendre dans la figure tout ce que je ne suis pas, tout ce que je ne serai jamais. Regarder en face tous les choix que je ne saurai jamais assumer. Me demander pourquoi je culpabilise comme ça, pourquoi je leur en veux finalement, alors qu’ils ont tout fait pour moi.

Je déteste voir ma petite soeur pleurer.

J’angoisse parce que ce soir c’est marathon, comptes, repassage, épilation, courses, sac. Que du sexy et du passionnant. C’est mon avant-dernière soirée à Paris, et je vais la passer sans P. Je veux pas partir en vacances.

Je déteste quand tout ça me submerge et que je suis avec P., à faire la gueule tournée contre le mur, et que je ne peux pas lui expliquer. Je déteste cette impression que ça creuse un fossé entre nous. Je déteste les bêtises noires que je peux balbutier pour tenter une explication. Je déteste sa façon de me serrer dans ses bras sans comprendre. J’aime sa façon de me faire l’amour. Je déteste l’angoisse qui ressurgit dès que je ne suis plus dans ses bras.

Je déteste ne pas réussir à lui dire que même agressive, tendue, même quand je ne l’appelle pas, surtout dans ses cas-là, je tiens à lui beaucoup plus que je ne le montre. Qu’il me manque dès que j’ai fermé la porte. Que je le respecte. Qu’une semaine sans lui, ça me paraît insurmontable. Que je voudrais être capable de partager avec lui mes crises d’angoisse, comme il est capable de le faire avec moi.

Je déteste essayer de dire ça, sortir une fadeur et passer pour une conne.

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