Bulgaria & vodka

Honnêtement, je n’ai pas vu grand chose de la Bulgarie. Déjà que découvrir un nouveau pays en une semaine, c’est un peu short, mais quand c’est vingt potes qui partent ensemble, ça devient vite très compliqué d’organiser quoi que ce soit. D’autant que ces gens-là, ça fait en moyenne six ans que je les connais, que je les croise en soirée.

…Par « je les croise en soirée », j’entends que je les ai toujours vus bourrés, et qu’ils n’avaient aucune idée avant le départ de à quoi ça ressemble, une LBA à jeun.

Ils savent toujours pas. On a tellement l’habitude de faire la fête ensemble qu’on a pas décuvé de la semaine. Faut dire que là-bas, la bière coûte trente-cinq centimes de lev : on pouvait pas passer à côté de ça. Et puis il y a les alcools locaux qu’il faut absolument découvrir (c’est pas moi qui le dit, c’est le Routard), et la vodka qui coule à flot. Résultat, le mariage était pas encore passé que je m’étais déjà pris deux cuites d’affilée. J’aurais voulu voir le pays, je l’aurais vu en double. Et puis même pas de culpabilité : franchement, on peut pas dire que j’étais parmi les plus grands buveurs. Pas que je me batte pour établir un record en la matière, mais là vraiment, j’ai trouvé mon maître. On s’est surpassés.

Bref. Jeudi soir, alcool. Vendredi soir, alcool. Samedi, mariage, donc alcool. Ils étaient beaux mes deux petits choux. La voir heureuse comme ça, j’en étais presque au bord des larmes. Moquez-vous si vous voulez, je m’en fiche. Oui, j’ai pleuré à son mariage. Très con de ma part, le trait de crayon brun au-dessus des yeux, je vous raconte pas la tête que ça vous fait après une bonne crise de larmes. J’aurais croisé l’homme de ma vie, c’était raté.

Dimanche, sieste. Dimanche soir, alcool. Lundi, on est allés voir un monastère, histoire de faire une pause entre deux bars. Ça nous a pris des heures pour y aller, le temps de réunir tout le monde, que chacun finisse de pisser, termine sa clope, comprenne que c’est l’heure, là, faut y aller maintenant. Et puis on a visité toutes les stations-essence sur le chemin : le marié était pendu au téléphone pour essayer de sortir un de ses copains de la prison bulgare dans laquelle il croupissait depuis trois jours.

Faut être con, aussi, pour partir par Eurolines sans passeport. Encore plus con, une fois qu’on s’est fait choper à la frontière serbe, pour s’échapper et essayer de passer en fraude, par la forêt. Et encore plus con, une fois la frontière passée, pour demander de l’eau dans le premier village, et ne pas reconnaître le douanier qui t’a arrêté la veille. Il s’en souviendra de ce mariage.

Le monastère de Rila était magnifique. J’ai pas de photos. On était tous là comme des Japonais, et ça me gonflait, l’idée de regarder un pays à travers un objectif. Et puis en partant de Paris jeudi, j’avais oublié que j’en avais un, d’appareil. Je ne m’en suis souvenue que dans l’avion. Mes photos sont dans ma tête. Elles ont un peu souffert de l’alcool. Si je veux avoir des souvenirs, j’y retournerai.

Lundi soir, alcool. Mardi, camping à Bulgaria Air pour changer mon billet. Je venais de réaliser que mon patron rentrait de vacances aujourd’hui et qu’il n’y avait même pas moyen de rentrer avec une demi-journée de retard. Surtout avec un avion qui part super tôt et de l’alcool dans le sang.

La minette derrière le guichet y a mis, de tout son cœur, toute la mauvaise volonté dont elle était capable et a entubé dans les grandes largeurs le copain qui était avec moi en lui faisant payer un maximum pour finalement ne pas lui changer son billet.

Promis, je ne dirais plus jamais de mal sur l’administration française. Ou j’en dirais moins.

Mardi soir, alcool. Mercredi matin, réveil à 4 h 00 du mat’ (aïe), retour.

Qu’est-ce que je retiendrai de ce pays ? Le contraste entre les bâtiments délabrés, à se demander comment ils tiennent debout, les rues aux pavés mal joints, les bâtisses type architecture communiste, un passé inscrit dans la topographie, et les bâtiments en construction, les nouveaux buildings qui se dressent.

L’inamabilité glaciale des Bulgares. La minette de la compagnie aérienne, c’est une parmi cent autres. Ils suffisaient qu’ils s’aperçoivent que je ne comprenais pas le bulgare pour devenir des murs. J’ai commencé par me demander ce que je faisais de mal. Autre pays, autres mœurs, est-ce qu’il y a quelque chose dans mon comportement qui les choque ? J’en ai parlé à mes amis du coin, et non. Ce n’est qu’une sorte de racisme latent. C’est assez impressionnant de ressentir ça, pas l’habitude. Pour moi le racisme, c’est une notion de rhétorique.

Mais ici, je ne suis qu’une pompe à fric. C’est pas parce que je suis blonde que je ne connais pas les tarifs, connard. Les chauffeurs de taxi qui d’un coup ne comprennent plus l’anglais au moment où je dois payer, il y a un moment où c’est lassant. Les commerçants qui te demandent trois fois le prix qu’il y a sur l’étiquette aussi. Est-ce que les touristes sont accueillis comme ça en France ?

Le voyage m’a laissée frustrée. C’est pas ça que je voulais faire de ma semaine en Bulgarie. Faudra que j’y retourne en plus petit comité. L’ambiance de groupe m’angoisse, me stresse. Ne froisser personne. Se forcer à suivre le mouvement. Aller à gauche quand on voudrait aller à droite, et seule. Ne jamais voir V., ma petite mariée, seule à seule de toute la semaine. La voir stresser pour ce mariage à organiser et ne rien pouvoir faire pour elle. Avant le jour J, elle a perdu cinq kilos en trois jours. C’est la première fois de ma vie que je vois une mariée qui a peur que sa robe soit trop grande pour elle.

Mais voilà, je suis rentrée. Je ferai mieux la prochaine fois. Je suis de retour avec deux nouvelles paires de chaussures, une pensée émue pour chaussurerose, et P. qui avait pris un jour de congé pour me retrouver. Glop. Je me suis vengée de ne pas avoir eu de calins pendant une semaine.

Je dormirai plus tard.

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