Nowadays

C’est rigolo de retomber sur toutes ces vieilles notes.

Depuis combien de temps est-ce que je ne me suis plus dit « il faut que je poste un truc » / « je dois vraiment trouver le temps pour poster un truc » ?

Lors du dernier round, obviously, c’était au jour 3 ; dix ans avant, je ne sais même plus, mais je crois que ça avait duré longtemps.

J’aurais bien aimé obtenir une histoire qui se tienne, un personnage que l’on puisse suivre dans le temps. C’est mort, on dirait.

J’ai relu mes notes. J’ai mesuré le temps et le chemin parcouru.

J’ai plissé des yeux quand je trouvais ce que j’avais écrit mauvais, quand je me demandais qui était cette petite conne ; mais la plupart du temps je ne pouvais pas la renier et c’était réconfortant.

J’ai plissé des yeux quand j’ai lu la suite prédite dans mon propre clavier à mon insu – et c’était réconfortant.

Je me suis mariée.

J’ai eu deux gosses, que j’appelle Poussine et Poussin dans une note un peu avant, mais qui ont de vrais prénoms en fait.

J’en ai perdu un pendant la grossesse, un enfant avec un nom, et je suis entrée en guerre contre l’univers qui parlait de fausse couche et de tu en feras un autre.

Je me suis fait larguer lamentablement. Je suis re-entrée en guerre contre l’univers.

J’ai bossé plus fort.

J’ai acheté mon propre appart que j’ai entièrement refait avec des copains. J’ai mon nid à moi rempli de bouquins, on y est bien.

Je suis passée de boulot en boulot en craignant toujours de me faire virer et sans jamais comprendre pourquoi on m’augmentait systématiquement, ni pourquoi je finissais toujours par récupérer le job du dessus et les gens ont l’air contents.

J’ai cru longtemps que j’étais fatiguée parce que j’avais deux mouflets et un taf, jusqu’à ce que je m’endorme aux toilettes pendant les heures ouvrées – si vous ronflez comme je le fais, je déconseille. Maintenant je vis en étant chaque nuit attachée à une machine qui respire à ma place quand j’oublie ; je vis en prenant des cachets la journée pour ne pas m’endormir en public et le soir, je prends toujours ma dose d’un demi cadran de sommeil inefficace.

En ce moment c’est marrant, que ce soit le sommeil qui me prend 12 heures de mes jours, les enfants, le boulot, la lecture qui m’absorbe comme une drogue, le confinement ou le couvre-feu à 18h, je n’ai plus le temps de toutes façons de refaire le monde.

Refaire le monde : parler de ma journée, utiliser la bière en thérapie et les copains comme miroirs, parler des chefs ces cons, hein, forcément où va le monde et le principe de Peters on voit bien, ha ha.

Tiens, ça c’est une chose qui n’a pas changé : les autres rigolent parce que CQFD, on est dirigés par des cons ; je tremble parce que je suis terrifiée d’être arrivée à mon seuil d’incompétence. J’étais terrifiée d’être au bout de mon chemin à 22 ans avec mon job pourri et mes 900 euro par mois. Je parlais du bel avenir avec le cœur préfigé de honte.

J’ai été terrifiée à 24 ans, 26, 30, 35, aujourd’hui, beaucoup plus qu’hier et bien moins que demain.

Chaque nouvelle branche atteinte est d’abord une surprise, puis une terreur et bientôt une évidence oubliée et l’ombre de la suivante se profile et me fait peur.

Il y a des gens aujourd’hui qui rentrent chez eux parlent à leur femme en s’ouvrant une bière et les pieds sur la table et qui parlent de leur chef ce con, forcément le monde, on voit bien, le principe de Peters ha ha. Et le con c’est moi.

Je me retourne et je n’en reviens pas du chemin parcouru et je ne sais pas comment j’ai fait. Chaque branche me fera tomber d’un peu plus haut mais j’espère ne pas oublier que je ne pensais pas réussir à monter et certainement pas jusque là.

(C’est bien la troisième note que je poste sans la finir, je sais c’est mal. Busy woman).

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